Sommaire
+ M[aux] M[o]dernes et M[ot]dits
+ Bonjour Deux-mille-trois...
+ Il était une fois Santiago...
+ chronique de l'été deux-mille-deux
+ dernier jour de mai, premier jour de foot
+ un géant chez les schtroumfs
+ le prince
+ le roi nu
+ premier mai
+ le 22 au matin
+ on verra bien
+ saint- Michelin, priez pour nous !
+ les « mal-adresses » ou le voyage ordinaire d’un touriste en Tibéri
+ hommage à Oscar Wilde
 
CHRoNiQueS D'uN iNSTaNT
Saint- Michelin, priez pour nous !
 
«J'aime parler avec des gens qui ne pensent pas comme moi,
cela m'apprend beaucoup de choses.
 » (François Michelin)

Pour le centenaire de leur entreprise, les ouvriers Michelin ont eu droit à un bout de meringue, un jus d’orange et un morceau du puzzle géant à reconstituer sous la forme du Bibendum…

Certains s’en souviennent comme de la « plus grande bouffonnerie » qu’ils aient vue dans leur existence. Certains n’ont pas pris la peine de se déplacer pour assister à cette pantalonnade méprisante de leur entreprise à laquelle, pour la plupart, ils ont donné vingt ou trente ans de leur vie. Des vies blessées qui défilent devant la caméra de Jocelyne Lemaire-Darnaud qui, après voir lu Et pourquoi pas ? le livre d’entretien de Ivan Levaï (complice complaisant de cet ouvrage) avec François Michelin, frappée par les énormités prononcées, décide de donner la parole aux ouvriers Michelin. Seule avec sa petite caméra numérique, elle enregistrera l’autre version, celle qu’on entend peu, une version des faits rarement relayée par les médias. Merci à Jean Labadie, distributeur de films, d’avoir soutenue la réalisatrice, quand même Arte et le CNC lui ont fermé la porte au nez… Le résultat est « Paroles de Bibs » un film documentaire magnifique, grosse claque de vérité en réponse aux inepties livresques de François Michelin : « C'est étonnant de voir à quel point le pneumatique est, pour beaucoup, quelque chose de rond, noir, sale, et qui sent mauvais... Je puis vous assurer que personne dans l'usine n'en a une telle vision " Face à l’objectif de la caméra, un ouvrier qui travaille au stock de pneus neufs, sans les toucher précise t-il, est obligé de changer ses vêtements tous les soirs quand il rentre chez lui, tant ils sont imprégnés de cette odeur de pneu qui s’infiltre jusque dans les maisons voisines des usines. Il faut savoir que chez Michelin, au bout de vingt-deux d’ancienneté, on gagne la somme mirobolante de 7OOO FF (1070 euros) par mois. Quant aux conditions de travail, elles sont révoltantes; une ouvrière digne refuse de se faire chronométrer par un garde-chiourme alors qu’elle est enceinte de six mois, elle sera finalement licenciée après une septicémie provoquée par une blessure lors de son travail. Un ouvrier au visage meurtri avoue avoir vécu « trente ans de répression mentale ». Un autre, plus jeune, s’étonne de voir disparaître ses collègues peu de temps après leur retraite. Des femmes travaillent près de fourneaux où la température est de 50 degrés. Une année les ouvriers demandent 1500 FF d’augmentation, François Michelin, ce grand capitaliste humaniste leur accorde vingt centimes. Rien ne filtre chez Michelin, comme ailleurs, on se sert de la peur pour contrôler et diviser. La réalisatrice n’a pu avoir accès à l’intérieur des usines, les ouvriers qui ont accepté d’être filmés sont syndiqués, les autres auraient subi des représailles.  Le jour de la première du film à Clermont-Ferrand, une note interne destinée à l’encadrement de l’entreprise signalait la projection d'" un film mettant violemment en cause François Michelin. Michelin ne souhaite pas s'exprimer sur ce film partisan. " Une dernière citation de F.M. pour rigoler : « La vérité est la seule séduction fondatrice. »

Jean-Luc Bitton

Paroles de Bibs de Jocelyne Lemaire Darnaud - (Documentaire, 2001, France, 96’, couleur et N&B, 35 mm, son DTS/SR)

   

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